«Ce n’est pas la première fois que je constate un
affaissement dans ce coin-là, mais la grandeur du trou impressionne quand même.
Mes parents devaient régulièrement ajouter des tombereaux de terre!»
Même à la retraite, il continue de surveiller le site: «Nous
sommes sur un terrain miné par la guerre 14-18 et les galeries creusées ont été
très nombreuses. Cette année, des écumes ont été répandues sur le champ; les
engins ont peut-être tassé le sol; ensuite, avec les pluies, un trou s’est
formé.»
François Maekelberg, président de l’entente patriotique
local et expert en la matière, a analysé le vestige: «Il s’agit d’un tunnel
d’écoute. En quelques mois, c’est le deuxième que l’on met à jour: le premier
ayant été découvert lors des travaux de construction des tranchées sur le site
de la trêve de Noël. Vu la proximité des lignes de front, il y a forcément des
tunnels d’écoute creusés par les Allemands et les Alliés. Ce n’est donc pas une
découverte importante!»
Concrètement, le tunnel a été creusé par les Anglais, en
1916 ou 1917, en vue d’espionner les lignes allemandes. «Une tranchée standard
affiche 2,1 mètres de profondeur. Dans le cas des tunnels d’écoute, on creusait
donc à 2,40/2,50 mètres juste en dessous. Ici, nous avons retrouvé les
boiseries du haut de la galerie, du bois blanc encore en bon état. Avec la
particularité que l’étaiement était ajouré avec de fines planchettes. Ce sont
elles qui ont lâché.Et donc, la terre pénètre à l’intérieur du tunnel et finit
par former une poche d’air. D’où les affaissements réguliers sur une galerie
qui pouvait faire plus de 100 mètres. En plus, on les construisait en série,
parallèlement, tous les 30/40 mètres.»
On imagine l’effort physique de ces braves qui crapahutaient
des mois durant dans un tunnel d’un mètre de large et de hauteur!
«L’écoute est une science, renchérit Freddy Dubus, qui a
potassé le sujet. Les soldats creusaient pieds nus, pour ne pas faire de bruit
avec les bottines. Parfois, on installait des rails pour évacuer la terre: ils
étaient en bois et les roues du chariot étaient aussi en bois. Certains se sont
également spécialisés dans la détection des bruits. Avec des appareils qui les
amplifiaient et en fonction de la nature du sol, ils reconnaissaient l’activité
en cours, la distance où se trouvaient les soldats, etc. Ce qui les inquiétait
le plus, c’était l’absence de bruits: elle annonçait que tout allait sauter!»
Quant au trou, il a été rapidement rebouché par les ouvriers
communaux, à l’aide d’une mini-pelle «Un tunnel d’écoute n’a jamais été habité;
ce n’est pas une tranchée, donc on ne retrouve aucun objet. Des fouilles
archéologiques sont inutiles. Pas la peine d’empêcher un agriculteur de
cultiver.»
Il y a un siècle, des «soldats-fourmis» creusaient le
sous-sol. Jean Hugue constate les dégâts.-Damien Menu
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